Pour commencer l’année 2011, la Société Française d’Ecologie (SFE) vous propose ce regard de Valérie Masson – Delmotte, Directrice de recherches au CEA, sur le climat de notre Biosphère.

MERCI DE PARTICIPER à ces regards et débats sur la biodiversité en postant vos commentaires après cet article. Les auteurs vous répondront et une synthèse des contributions sera ajoutée après chaque article.

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Le climat de notre Biosphère :

Deux questions à Valérie Masson – Delmotte

Directrice de recherche au CEA

( Fichier PDF )

Regard R10, édité par Anne Teyssèdre

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Ce regard n°10 de Valérie Masson-Delmotte est composite. Il comporte :

  • Deux brèves vidéos, interviews de Valérie Masson – Delmotte issues de la série d’Anne Teyssèdre « Changement climatique et biodiversité » coproduite par le MNHN – le GIS Climat et la Huit en 2008;
  • des transcriptions et adaptations textuelles de ces interviews, comportant figures et bibliographie, réalisées par V. Masson-Delmotte et A. Teyssèdre en janvier 2011.

 

Mots clés : Climat, biosphère, changements globaux, température globale, climat passé, méthodes et outils, facteurs d’impact, relation Homme-Nature, Anthropocène.

1 : Y a-t-il un changement climatique mondial ?

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(A. Teyssèdre et G. Dero, MNHH/GIS Climat/La Huit, 2008)

 

Lien vers cette vidéo en ligne sur Canal-U

Vidéo extraite de la série « Changement climatique et biodiversité » d’Anne Teyssèdre
(MNHN – GIS Climat – La Huit, 2008)

 

Transcription et adaptation de l’exposé :

Le climat de notre planète se réchauffe, cela ne fait aucun doute. On a observé, grâce au réseau de mesures météorologiques, une augmentation de température moyenne de 0,8°C depuis 1900. Ces mesures de température sont de plus en plus précises au plan géographique : il y avait 4000 sites de mesure en 1900, on en compte 8000 aujourd’hui. On dispose en outre d’une approche globale grâce aux satellites.

Fig.1 : Variation de la température moyenne à la surface de la Terre depuis 1880 (source : NASA-GISS )

Il n’y a absolument aucun doute sur l’ampleur de ce réchauffement global. Mais cette valeur moyenne de 0,8°C masque un réchauffement qui varie selon les régions. Il est plus marqué sur les continents que sur les océans, et également plus marqué vers les régions polaires, comme sur la péninsule antarctique, ou sur les continents autour de l’Arctique. Dans ces régions, on observe un réchauffement d’environ 2°C au cours des derniers cinquante ans.

L’augmentation des températures, ce sont également des océans qui se dilatent, et la plupart des glaciers qui fondent – deux facteurs qui font monter le niveau des mers. Ce niveau a augmenté d’environ 20 cm au cours du dernier siècle; ce rythme s’est accentué depuis une quinzaine d’années, dépassant 3 mm/an.

On observe également l’effet de ce réchauffement sur les paysages et la végétation qui nous entoure, avec un allongement de la saison de croissance des plantes : celles-ci ont leurs premières feuilles et fleurs plus tôt, et à l’inverse perdent leurs dernières feuilles plus tard. Par exemple en France les vendanges sont en moyenne de plus en plus précoces.

Le changement climatique, ce n’est pas qu’un changement de la température moyenne globale, mais c’est aussi toute la circulation de l’atmosphère qui change. Typiquement, on observe de moins en moins d’hivers très froids et d’épisodes de gel intense, et à l’inverse de plus en plus de vagues de chaleur ou de canicules en été. En France, cela a été très spectaculaire au cours de l’été 2003, avec une vague de chaleur extrêmement marquée qui a eu des conséquences dramatiques pour les personnes fragiles.

Le climat, c’est aussi tout le cycle de l’eau. Lorsque le climat se réchauffe, la circulation de l’atmosphère est modifiée, et avec elle l’apport de pluies. Ce que l’on observe à grande échelle, c’est une augmentation des périodes sèches, c-à-d. des jours successifs dans aucune pluie, mais aussi une concentration des précipitations sous forme de pluies intenses, ce qui est associé à un risque d’inondation qui augmente.

2 : Que sait-on des variations passées du climat ?

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(A. Teyssèdre et G. Dero, MNHH/GIS Climat/La Huit, 2008)

Lien vers cette vidéo en ligne sur Canal-U

Vidéo extraite de la série « Changement climatique et biodiversité » d’Anne Teyssèdre
(MNHN – GIS Climat – La Huit, 2008)

 

Transcription et adaptation de l’interview :

Fig.2 : Illustration des échelles de temps des différents facteurs externes pouvant affecter le climat (forçages astronomiques, géologiques), ainsi que des facteurs internes au système climatique, et de la perturbation anthropique. D’après Bard E., 2006. L’homme et le climat, une liaison dangereuse. Découvertes Gallimard, Paris.

Par le passé, le climat n’a jamais été stable. A différentes échelles de temps, il a réagi aux différentes perturbations qui se sont succédées.

A l’échelle de dizaines de millions d’années, ce qui fait varier le climat, ce sont des facteurs dits tectoniques, liés à la position des continents et des océans, ou à la formation des chaînes de montagnes. On imagine bien que si les continents sont essentiellement en zone tropicale, le climat sera plus chaud que s’ils sont situés près des pôles, où peuvent se construire de grandes calottes de glace. A cette échelle de temps là, on a identifié un lien étroit entre les variations naturelles du cycle du carbone et du contenu en gaz à effet de serre dans l’atmosphère, d’une part, et les températures d’autre part. Période avec plus de gaz à effet de serre, période plus chaude.

Si on fait un zoom maintenant, et qu’on s’intéresse au dernier million d’années, à cette échelle de temps, le climat est marqué par des cycles entre périodes glaciaires et périodes chaudes relativement brèves. Ces cycles ont une durée d’environ 100.000 ans. Ils résultent des variations de l’énergie solaire reçue, parce que l’orbite de notre planète autour du soleil fluctue à cette échelle de temps.

Le schéma ci-dessous (Fig.3) montre l’évolution au cours des derniers 800.000 ans : de la teneur atmosphérique en méthane (CH4, en vert, tout en haut) et en CO2 (en gris, au dessous), de la température de surface antarctique (multicolore, plus bas), du niveau des mers (en bleu, plus bas), en enfin de l’ensoleillement d’été dans l’hémisphère Nord (en jaune, tout en bas), qui varie avec les paramètres de l’orbite terrestre.

Entre une glaciation et une période chaude, l’amplitude du changement de température est de l’ordre de 5°C. Ce sont les changements climatiques les plus considérables et les plus récents, et ils ne représentent que 5°C – c’est-à-dire quasiment ce que les modèles de climat suggèrent d’ici à 2100 en réponse au surplus de gaz à effet de serre d’origine humaine. Cela montre à quel point cet ordre de grandeur est important en termes de conséquences. D’autre part, l’étude des climats du passé montre que ces grands changements se sont produits à une échelle de temps de l’ordre de 10.000 ans, à comparer à une même amplitude en quelques dizaines d’années, pour la période actuelle. On voit donc qu’on n’est pas dans les mêmes vitesses de bouleversement.

[Fig.3 ]  Les données sur les climats du passé nous montrent également qu’au cours de ces périodes glaciaires et interglaciaires, deux facteurs clefs ont joué sur l’ampleur des changements de température. Ce sont d’une part les variations d’extension des glaces, qui couvraient les continents de l’Hémisphère Nord en période froide et amplifiaient le refroidissement, et d’autre part les variations naturelles du cycle du carbone, en particulier la manière dont l’océan peut plus ou moins stocker de dioxyde de carbone.

Grâce à l’analyse des bulles d’air prises dans les glaces polaires, on peut d’ailleurs suivre les concentrations de gaz à effet de serre depuis 800.000 ans. On constate que les activités humaines, en rejetant des énergies fossiles, ont ajouté 30% de CO2 dans l’atmosphère par rapport à toutes les périodes chaudes des derniers 800.000 ans, et plus de deux fois plus de méthane (CH4) que les concentrations naturelles. C’est pour cela que la période actuelle est désignée du terme d’Anthropocène, indiquant une période où la première chose que l’on voit, c’est la marque de l’Homme sur la composition de l’atmosphère globale et sur le climat. D’une certaine manière, nous jouons le rôle d’une force géologique en injectant très rapidement des combustibles fossiles directement dans l’atmosphère.

Fig.4 : Evolution des teneurs atmosphériques en dioxyde de carbone (CO2, en haut), méthane (CH4, au milieu) et protoxyde d’azote (N2O, en bas) depuis 10.000 ans.

Les climats du passé nous montrent aussi que le climat peut varier non seulement lentement, sur un intervalle d’environ 10.000 ans, à l’échelle globale, mais aussi très rapidement, en quelques dizaines d’années, dans certaines zones. C’est en particulier le cas dans l’Atlantique Nord, où la dernière période glaciaire est ponctuée par vingt cinq événements abrupts, avec des réchauffements pouvant atteindre dix degrés en quelques dizaines d’années. Soulignons que ces réchauffements ne sont pas globaux, comme les précédents : ce sont des réorganisations des transports de chaleur de l’Equateur vers les pôles par les courants marins. Il y a donc l’approche globale d’une part, mais aussi localement l’identification de zones vulnérables, où en particulier la circulation de l’océan ou de l’atmosphère peut réagir très brutalement.

Pour finir, on regarde également comment le climat a varié d’une année à l’autre dans un passé récent, au cours des derniers siècles et millénaires, grâce aux informations saisonnières ou annuelles préservées dans les anneaux de croissance des arbres, les coraux, les glaciers… Cela nous montre que le réchauffement des trente dernières années est exceptionnel par rapport à ce que l’on sait des variations précédentes du climat, au cours des derniers siècles.

Bibliographie et sites web

Articles scientifiques

Capron, E., Landais A. et al., 2010. « Millennial and submillennial scale climatic variations recorded in polar ice cores over the last glacial period. » Climate of the Past 6: 345-365.

Etien N., V. Daux et al., 2008. « A bi-proxy reconstruction of Fontainebleau (France) growing season temperature from A.D. 1596 to 2000. » Climate of the Past 4: 91-106.

Jouzel J, Masson-Delmotte V. et al. 2007. Orbital and millennial Antarctic climate variability over the past 800,000 years. Science, 317: 793–796.

Jouzel J. et V. Masson, 2010. Paleoclimates : What do we learn from deep ice cores ? Wiley Interdisciplinary Reviews : Climate Change 1 (5): 654-669.

Sites web et documents en ligne :

Site du GIS Climat-Environnement-Société
Masson-Delmotte V. et al., 2007. 800.000 ans d’histoire du climat. Article en ligne sur le site de Pour la Science
Rapports et publications du GIEC, en français
Série vidéo ‘Changement climatique et biodiversité’. A. Teyssèdre, MNHN-GIS Climat-la Huit, 2008

Trois livres de vulgarisation (en français) :

Jouzel J., Lorius C. et D. Raynaud, 2008. Planète blanche – Les glaces, le climat et l’environnement, Odile Jacob, Paris.

Bard E., 2006. L’homme et le climat, une liaison dangereuse. Découvertes Gallimard, Paris.

Mélières M-A. et C. Maréchal, 2011. Climat et société : climats passés, passage de l’Homme, climat futur : repères essentiels, CRDP Grenoble.

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Article transcrit et adapté de deux vidéos de la série d’Anne Teyssèdre « Sciences en Questions : Changement climatique et biodiversité », coproduite par le MNHN, le GIS Climat et la Huit en 2008.

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