Un appel à agir urgemment pour limiter le changement climatique et inverser la perte de biodiversité

de la part des Sociétés Savantes d’Écologie et d’Évolution

Aujourd’hui, un nombre croissant de collectifs se mobilisent massivement pour exiger des  politiques climatiques et environnementales plus ambitieuses. Les récentes évaluations mondiales de la biodiversité et des services écosystémiques publiée par l’IPBES et celles du GIEC sur le climat, reconnaissent le déclin sévère de la biodiversité et le changement climatique comme deux problèmes majeurs auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui et qui mettent en péril le bien-être des générations futures.

Figure du résumé du rapport sur l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques de l’IPBES illustrant la perte de diversité au niveau global et ses causes.

Face aux preuves écrasantes de la dégradation des conditions climatiques et de la trame vivante dont nous dépendons, nous, scientifiques travaillant dans les domaines des sciences de l’écologie et de l’évolution, avons la responsabilité d’insister pour que les connaissances accumulées par la recherche, et synthétisées par les instances internationales (GIEC, IPBES,…) soient traduites en mesures politiques d’une ampleur sans précédent. Seule une réaction rapide pourra stabiliser le climat et préserver la biodiversité et les fonctions écosystémiques dont nous dépendons.

Nous savons aujourd’hui (références ci-dessous) que :

  • La Terre se réchauffe. La température moyenne de sa surface a augmenté d’environ 1°C par rapport à la période 1850 – 1900.
  • La quasi-totalité du réchauffement observé est due aux activités humaines : utilisation d’énergies fossiles, destruction d’écosystèmes, pratiques agricoles intensives, abondance du bétail domestique.
  • Le réchauffement actuel de 1°C a déjà entrainé une augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes : canicules, sécheresses, inondations. Plus la Terre se réchauffera plus ces évènements seront fréquents. Un réchauffement de plus de 2°C amplifiera ces tendances. Il est donc impératif de limiter la hausse à 1.5°C.
  • Le réchauffement de la Terre a des effets négatifs sur la santé humaine. Il rendra de vastes portions de la Terre inhospitalières aux humains.
  • Climat et biodiversité exigent de considérables adaptations de l’agriculture et de l’industrie.
  • Le changement climatique a des effets négatifs directs sur la biodiversité et sur les services que les sociétés humaines en retirent.
  • Les effets directs sur la fonctionnalité des écosystèmes liés à la perte d’habitat par conversion des terres, à nos modes de consommation et de production agricole, à la surexploitation des ressources marines, diminuent la capacité de ces écosystèmes à atténuer les effets du changement climatique.

Les émissions de CO2 ne cessent d’augmenter. Les propositions actuelles ne permettent pas de contenir le réchauffement à moins de 3°C d’ici la fin du siècle. Une élévation de 5°C devient même de plus en plus probable. Les conséquences en seraient énormes pour les écosystèmes, leurs espèces et leurs fonctions écologiques et, en retour, sur nos économies et nos sociétés, avec des conflits pour l’accès aux ressources. Ces conséquences seront irréversibles sur une échelle de temps mesurée en siècles. Les bouleversements attendus de la trajectoire actuelle dépassent probablement tout ce que nos sociétés ont eu à affronter jusqu’à ce jour.

Au-delà des indispensables actions individuelles, il est urgent que des mesures structurelles de grande ampleur soient prises rapidement. Elles exigent des changements très profonds locaux et planétaires dans nos modes de production et de consommation. Il faut amorcer immédiatement la réduction de notre consommation énergétique et la transition vers des énergies renouvelables, réformer la mobilité, limiter l’artificialisation des sols, passer à des modes de production agricole moins générateurs de gaz à effet de serre et plus favorables à la biodiversité et accompagner l’arrêt de la déforestation par un reboisement écologiquement réfléchi. Elles exigent d’investir massivement dans la remise en état de la biosphère pour  qu’elle puisse mieux faire face à l’incertitude climatique. Plus nous agirons tardivement, plus la tâche sera difficile et coûteuse. Nous affirmons à nouveau ici qu’il n’y a pas d’alternative à l’action.

Les connaissances et les moyens nécessaires pour engager la transition vers une société zéro-émissions et respectueuse de la biodiversité existent. Réaffecter les subventions mondiales aux énergies fossiles, qui dépassent 500 milliards de dollars par an, même partiellement, permettrait de faciliter la transition vers une société plus durable et plus sobre.

Limiter le réchauffement de la Terre et la perte de biodiversité demande la collaboration et la participation de tous : individus, secteurs privés et gouvernements. Il faudra tenir compte de la multiplicité des situations, des modes de vie et des possibilités de chacun pour que ces changements soient socialement équitables. C’est la condition indispensable pour que tous adhèrent à cet effort.

Les gouvernements devront, avec courage, agir sans attendre. Mais rien n’adviendra sans pression citoyenne et sans une mobilisation intense, réfléchie et continue. Nous, scientifiques, nous nous joignons aux mobilisations en cours et lançons cet appel aux décideurs politiques et économiques. Des mesures efficaces et équitables peuvent encore préserver un avenir viable pour nos sociétés et l’ensemble des êtres vivants de notre planète. Elles doivent être prises sans tarder.

Quelques sources

IPBES, 2019: Assessment reports, on pollinators, pollinations and food production, on land degradation and restoration, on biodiversity and ecosystem services for Europe and Central Asia, for Asia and the Pacific, for Africa, for the Americas, and on Scenarios and Models of Biodiversity and Ecosystem Services. Secretariat of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services, Bonn, Germany.

IPCC, 2014: Climate Change 2014: Synthesis Report. Contribution of Working Groups  I,  II  and  III  to  the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Core Writing Team, R.K. Pachauri and L.A. Meyer (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland, 151 pp.

IPCC, 2018: Global Warming of 1.5°C. An IPCC Special Report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty [Masson-Delmotte, V., P. Zhai, H.-O. Pörtner, D. Roberts, J. Skea, P.R. Shukla, A. Pirani, W. Moufouma-Okia, C. Péan, R. Pidcock, S. Connors, J.B.R. Matthews, Y. Chen, X. Zhou, M.I. Gomis, E. Lonnoy, T. Maycock, M. Tignor, and T. Waterfield (eds.)]. IPCC, Geneva, Switzerland.


Sociétés d’écologie et d’évolution signataires (représentant près de 20 000 chercheurs)

Sociétés savantes associées à, ou soutenant, cet appel