Un des deux Prix Jeune Chercheur 2018 a été décerné à Julie Landes, pour ses travaux publiés dans Ecology Letters :
Landes J, Perret M, Hardy I, Camarda CG, Henry PY, Pavard S (2017) State transitions: a major mortality risk for seasonal species. Ecology Letters 20(7):883-891. doi: 10.1111/ele.12785.

Contact : julielandes6@gmail.com

Explication de l’article par Julia elle-même :
« Au cours de ma thèse au Muséum National d’Histoire Naturelle, je me suis intéressée aux facteurs qui influencent la vitesse de sénescence dans le cas d’une population de microcèbes murins, un petit primate originaire de Madagascar, élevés en captivité. Ce travail se place dans le cadre d’une collaboration entre Samuel Pavard et Pierre-Yves Henry, et se positionne à la croisée de leurs thématiques de recherche respectives, la démographie évolutive et l’écologie fonctionnelle et évolutive.

Pour parler de senescence, les conférenciers utilisent souvent l’image d’un appareil électronique, ordinateur ou voiture, qui va se dégrader lorsqu’il est allumé. Cependant, ces appareils ont plus de chance de casser au démarrage ou à l’extinction, qu’en cours de fonctionnement. Et s’il en était de même pour les organismes vivants ? Dans ce cas, les changements entre états physiologiques seraient associés à une usure prononcée de l’organisme. Ce serait le cas des transitions saisonnières au moment desquelles les organismes saisonniers passent d’une activité métabolique faible, en hiver, à une activité élevée, en été, et réciproquement. Pour la première partie de ma thèse j’ai voulu tester cette hypothèse.

Pour cela, j’ai eu la chance d’avoir accès à 17 ans de suivi démographique de microcèbes murins captifs, soumis à différents rythmes de succession des saisons. Les microcèbes sont saisonniers et vivent des périodes de six mois d’activité suivies d’une diminution drastique leur activité métabolique (engraissement, inactivité, torpeur) qui leur permettent de survivre aux six mois de saison sèche sans s’alimenter. Dans la population que j’ai étudiée, certains individus vivaient avec un rythme naturel (deux saisons par an), et d’autres étaient soumis à un rythme accéléré d’alternance des saisons, allant de deux à cinq transitions saisonnières par année. J’ai comparé les mortalités des individus soumis aux différents rythmes de succession des saisons. Les résultats ont montré que l’augmentation de la fréquence des transitions saisonnières étant associée à une forte augmentation de la mortalité. Les animaux vivant trois saisons au lieu de deux avaient un risque de décès trois à quatre fois plus élevé. En moyenne, ces individus vivent le même nombre de saisons au cours de leur vie : une vie courte aux transitions saisonnières fréquentes ou une vie plus longue aux transitions saisonnières plus espacées.

Ces résultats suggèrent que les remaniements physiologiques lors des transitions saisonnières sont coûteux, générant des dommages à l’organisme responsables d’une augmentation de leur mortalité. Cette étude remet en question la vision continue de la sénescence. Elle montre que la vitesse de la sénescence dépend non seulement de l’état métabolique des organismes, mais également des fluctuations de ces niveaux dans le temps. Autrement dit, à niveau d’activité moyen égal, un organisme de niveau d’activité constant aura une mortalité plus faible et une espérance de vie plus longue qu’un organisme dont les niveaux d’activité fluctuent dans le temps. »