Maxime Dubart a été récompensé pour la qualité du travail valorisé dans l’article suivant :

Dubart M., Pantel J.H., Pointier J.-P., Jarne P., David P. 2019. Reciprocal competition, niche differentiation and coexistence between invasive and resident species analysed through two-species metapopulation models. Ecology 100: e02700. DOI:10.1002/ecy.2700.

Durant ma thèse au Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (Cefe, Montpellier), je me suis intéressé aux dynamiques démographiques d’espèces vivant en métapopulations (i.e. des ensembles de « populations » liées par la migration, et soumises aux aléas des colonisations et extinctions) ainsi qu’en métacommunautés (ensemble
d’espèces partageant un même paysage, i.e. une même métapopulation). Je me suis notamment intéressé aux questions suivantes : (i) quels sont les mécanismes permettant d’expliquer la répartition géographique de chacune des espèces au sein d’un paysage fragmenté ? (ii) Ces espèces sont en compétition, mais ne s’excluent pas nécessairement. Quels sont alors les mécanismes de coexistence que ce soit localement (i.e. au niveau d’une population) ou régionalement (i.e. au niveau de la métacommunauté) ?

J’ai abordé ces questions via l’analyse de communautés de mollusques d’eaux douces sur l’île de la Guadeloupe. Celles-ci font l’objet d’un suivi à long terme par Patrice David, Philippe Jarne (mes encadrants de thèse) et Jean-Pierre Pointier : 250 sites sont échantillonnés annuellement depuis 2000, permettant de collecter des données sur la présence et l’abondance des 25 espèces présentes en Guadeloupe, mais aussi sur des facteurs environnementaux. Dans le manuscrit présenté ici, je me suis plus particulièrement intéressé à deux espèces de Physidae ; l’une native de la Guadeloupe (Aplexa marmorata), la seconde, introduite (involontairement) au début des années 2000 (Physa acuta), et ayant envahi plus de la moitié des sites suivis à ce jour. Ces deux espèces représentent un système de choix : elles sont très similaires d’un point de vue écologique et l’existence d’interactions compétitives avait pu être démontrée précédemment.

Pour répondre aux questions mentionnées plus haut en utilisant ce jeu de données, j’ai développé dans un premier temps un modèle général de métapopulation intégrant les éléments clés mis en évidence par les recherches théoriques et empiriques en écologie des communautés. Plus particulièrement, ce modèle permet d’estimer les taux démographiques de base d’espèces vivant en métapopulation (colonisation et d’extinction), mais aussi l’influence de l’environnement et des interactions interspécifiques sur ces taux. D’un point de vu davantage méthodologique, deux éléments devaient être considérés en addition : (a) l’imperfection des données
d’observation, et (b) l’aspect dynamique, et surtout, hors équilibre du système étudié.  Ce modèle a ensuite été adapté aux données via une approche Bayésienne.

Dans un second temps, nous avons utilisé les résultats du modèle pour produire un ensemble de projections démographiques sous diverses hypothèses. En particulier, cela nous a permis d’évaluer la dynamique de ces espèces en manipulant des processus clés du fonctionnement de la métacommunauté, comme par exemple, la compétition ou encore l’hétérogénéité environnementale.

Nous avons ainsi pu confirmer l’existence de compétition réciproque entre ces deux espèces ainsi que de différences de préférence d’habitats (i.e. de « niche »), tout en montrant que les deux espèces utilisaient le paysage de manière similaire. Ceci pouvant notamment s’expliquer par l’aspect dynamique du système. En effet, les deux espèces dispersent efficacement à l’échelle de l’île, ce qui donne lieu à des dynamiques dites de sources-puits (i.e. où les habitats les moins favorables peuvent présenter des populations grâce à l’influx régulier de migrants depuis les habitats plus favorable). Du point de vue de la coexistence, nous avons pu montrer que ces deux espèces devraient coexister de manière stable à l’échelle de l’île. De nombreux facteurs contribuent à réduire l’effet (mesuré) de la compétition (différence de niche, dynamiques sources-puits, ou encore les différences en termes de taux de base), néanmoins, aucun de ces facteurs n’est individuellement indispensable. Il semble en effet que la coexistence à l’échelle régionale soit ici principalement facilitée par l’existence de co-occurrence locale, même si celle-ci est transitoire, une possibilité plus rarement considéré dans les modèles de métacommunautés.

Maxime est aujourd’hui en post-doc à l’Université de Lille, Equipe Ecologie, Evolution, Paléontologie.