Céline Albert a été récompensée pour la qualité du travail valorisé dans l’article suivant :

Albert C, Helgason H, Brault-Favrou M, Robertson G, Descamps S, et al. (2021) Seasonal variation of mercury contamination in Arctic seabirds: A pan-Arctic assessment. Science of the Total Environment, 750:142201. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.142201

Mon intérêt pour l’Arctique a commencé durant mes études de Master à l’Université Paris-Saclay lorsque j’ai réalisé l’ampleur et la vitesse des changements environnementaux auxquels les espèces Arctique longévives devaient faire face. Lors d’un stage de fin d’étude au Norwegian Institute for Nature Research de Tromsø (Norvège), j’ai notamment développé des compétences statistiques et écologiques sur les effets de la période hivernale sur la survie des guillemots de Troïl d’Hornøya (Arctique Norvégien). Depuis, je travaille principalement à comprendre comment les oiseaux marins sont affectés par les activités humaines dans ces zones pourtant reculées de toutes activités intensives.

L’objectif de ma thèse, réalisée à l’institut Littoral Environnement et Sociétés de la Rochelle Université, était d’étudier le rôle des stratégies migratoires des oiseaux marins nichant en Arctique sur leur contamination au mercure (Hg). Le Hg est un élément émis naturellement, mais les concentrations ont augmenté dans notre environnement à cause des activités humaines. Il est étroitement surveillé par la communauté internationale puisqu’il s’agit d’un neurotoxique qui affecte le comportement, la reproduction et la survie des populations animales. Avant de nous intéresser spécifiquement au rôle de la migration et donc à la distribution hivernale des oiseaux marins, la première étape était de déterminer les variations saisonnières de ces contaminations. Grâce au réseau international ARCTOX (https://arctox.cnrs.fr/en/home/) créé et animé par Jérôme Fort, encadrant de ma thèse, le projet a bénéficié d’échantillons d’une vingtaine d’espèce nichant sur une soixantaine de colonies à travers l’Arctique.

La plupart des connaissances actuelles sur la contamination au Hg des espèces Arctique concerne la période de reproduction. Durant cette période, les oiseaux nichent à terre et sont donc relativement accessible aux chercheurs. Mais en période de non-reproduction (ou hiver), les oiseaux migrent pour hiverner en pleine mer, où ils ne sont physiquement pas accessible. De récentes méthodes d’échantillonnage ont montrés qu’en prélevant des plumes spécifiques en période de reproduction, nous pouvions mesurer cette contamination hivernale.

Il y a eu trois défis majeurs avec cette étude. La première fut le temps. Pour ce travail, nous avons utilisés des données pour 1331 individus, que l’on multiplie par l’analyse de 2 types d’échantillons (pour la saisonnalité) et deux réplicas (pour validation des concentrations). Ce qui nous fait donc un total de 5324 analyses de Hg. La disponibilité de ces données a été rendu possible grâce à l’aide importante d’une équipe technique en soutien (techniciens, étudiants). Ensuite, les analyses statistiques : comment prendre en considération toutes les composantes spatiales (28 colonies), temporelles (deux saisons) et écologiques (8 espèces). Cette étude a été soutenue par des chercheurs expérimentés qui ont pu me guider dans la réalisation de cette étape. Enfin, le nombre de co-auteurs. Nous sommes 48 dans cette étude. Il m’a donc fallu apprendre rapidement à coordonner efficacement chacune des étapes de ce travail.

Les résultats nous indiquent deux points importants : 1/nous avons bien une variation saisonnière des concentrations de Hg avec des concentrations plus élevées en hiver. 2/ cette variation est spatialement différente avec par exemple des variations et des concentrations plus importantes pour les oiseaux nichant dans l’Est Canadien qu’en mer de Barents. Une des hypothèses était que le régime alimentaire (la contamination au Hg est étroitement liée à l’ alimentation) pouvait être un facteur important et que ces espèces pouvaient simplement se nourrir à de plus hauts niveaux trophiques en hiver. Cependant, la littérature nous indique que ce n’est le cas que de très peu d’espèces/populations. Ainsi nos résultats suggèrent que le régime alimentaire ne peut pas expliquer seul ces variations. L’hypothèse principale de ce travail est que la distribution joue un rôle majeur dans la contamination au Hg.

Ces résultats furent un point de départ important de mes travaux de thèse avant de passer à l’étape suivante : l’écotoxicologie spatiale. Cette discipline, dans laquelle nous utilisons des données de geotracking et de contaminants, nous ont déjà permis de suggérer que la distribution spatiale hivernale des oiseaux marins Arctiques joue un rôle majeur dans leur contamination au Hg (voir Albert et al., 2021 – Inter-annual variation in winter distribution affects seabird contamination with mercury  DOI: https://doi.org/10.3354/meps13793). D’autres études issues de ma thèse sont en cours et viendront appuyer ces résultats.